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Ma vision des mathématiques

└─ 2012-07-31 • Reading time: ~8 minutes

Socle axiomatique

Imaginons un socle, les axiomes. En fait, les axiomes ce sont des propositions, des choses admises en quelque sorte. Comme si on se mettait d’accord sur certaines règles avant de commencer un jeu. On admet qu’un certain nombre de propositions sont vraies. Par exemple, si l’on prend les axiomes du philosophe et mathématicien grec Euclide — qui sont à la base du monde mathématique classique aujourd’hui — :

  1. Il existe toujours une droite qui passe par deux points du plan.
  2. Tout segment peut être étendu suivant sa direction en une droite (infinie).
  3. A partir d’un segment, il existe un cercle dont le centre est un des points du segment et dont le rayon est la longueur du segment.
  4. Tous les angles droits sont égaux entre eux.
  5. Étant donné un point et une droite ne passant pas par ce point, il existe une seule droite passant par ce point et parallèle à la première.

Du socle naît la richesse et la diversité

Une fois qu’on a ce socle, cette base, eh bien c’est un peu comme le monde réel. Repensez un instant à la classification périodique de Mendeleïev, qui répertorie tous les atomes connus, qui sont en nombre fini. Maintenant ouvrez les yeux et regardez autour de vous, imaginez que tout ce que vous voyez est composé de ces quelques éléments, imaginez la richesse qui vous entoure, imaginez qu’à partir de ces quelques briques de base une telle diversité, une telle richesse ait pu émerger. Il en est de même avec les mathématiques et leurs axiomes. Les axiomes sont comme une classification périodique qui décrirait les éléments — d’ailleurs Euclide exposait les axiomes dans une série d’ouvrages intitulés Les Éléments — de base du monde mathématique, et à partir d’eux a pu émerger une diversité fascinante.

Un monde abstrait -

Alors bien sûr ce n’est pas aussi simple d’observer le monde mathématique pour se rendre compte de sa beauté et de sa richesse que d’ouvrir les yeux et de regarder ce qui nous entoure. Même si bien sûr nous avons trouvé des astuces pour essayer de visualiser ces « choses » abstraites. Par exemple quand nous traçons une courbe sur notre calculette, ou quand nous mettons des symboles sur des nombres. Nous essayons de nous approprier ce monde abstrait en lui associant des repères que nous sommes à même de comprendre. Que ce soient des symboles ou des représentations graphiques. Lorsque nous écrivons le symbole 2 ce n’est pas un nombre entier en lui-même, c’est un symbole propre à notre langage qui désigne le nombre entier — qui est un concept abstrait — situé entre les nombre entiers 1 et 3. On voit ici une des limites de notre langage, nous ne pouvons évoquer les mathématiques directement sans passer par lui, il est en quelque sorte indissociable des mathématiques et c’est pour ça qu’en général on considère que le symbole 2 n’est plus un symbole, mais le nombre entier 2.

Découverte ou invention ?

Ce qu’il y a de plus fascinant encore, c’est qu’au delà du fait qu’un monde d’une infinie richesse puisse exister à partir d’un nombre fini de briques de base (le socle), que se passe-t-il si l’on change ce socle ? Est-ce qu’il émerge un monde totalement différent mais tout aussi riche ? Existe-t-il d’autres socles possibles pour construire des mondes cohérents ? La réponse est oui, et cela nous laisse entrevoir une richesse sans limite, c’est ça la puissances de « mathématiques ». Mais c’est tout de même intriguant, si on invente un nouveau « socle », est-ce que l’on crée automatiquement un nouveau monde mathématique cohérent ? Ou est-ce que ce monde existait déjà et nous venons de le découvrir, ou de prendre conscience de son existence ? Ces questions sont philosophiques et sont semblables à d’autres questions telles que : « Est-ce qu’une chose qu’on ne peut pas voir existe ? » ou encore « Est-ce que quelque chose qu’on a vu et qu’on ne voit plus existe encore ? ». Dans le cas des mathématiques, on peut surement parler de vue de l’esprit, mais existent-ils vraiment ? Ou sont-ils le fruit de l’imagination de l’être humain ?

Piste de réponse

En fait, si l’on fait l’analogie d’un mathématicien avec un bâtisseur, on peut se dire que lorsqu’on bâti un édifice dans le monde réel, nous le faisons dans la limite de ce qu’il est possible de faire avec les lois qui gouvernent notre monde et des outils dont nous disposons. Et notre monde existait bien avant l’apparition de l’homme, mais il était vierge. Peut-être en est-il de même avec les mondes mathématiques. En posant une base axiomatique, un mathématicien a créé un nouveau monde abstrait vierge et, grâce à des axiomes et des outils plus avancés tels que des théorèmes et notre logique les mathématiciens bâtissent des édifices dans ce monde — dans la limite de ce qu’il est possible de faire en respectant les axiomes de base —. Je pense qu’il est important de dissocier le monde en tant que conteneur — dans le sens d’environnement — et le monde en tant que tout — conteneur ainsi que contenu —.

Capacité à expliquer des phénomènes réels

Au delà de ces questionnements — qu’il est intéressant de se poser —, nous nous rendons compte que les mathématiques sont de formidables outils pour décrire et expliquer notre monde réel. Comme si ce monde mathématique était une collection d’outils abstraits ou un monde parallèle à notre réalité et disposant de caractéristiques semblables. On peut se demander pourquoi il y a cette ressemblance entre quelque chose d’apparemment très abstrait et notre monde réel. C’est assez troublant. Une piste possible pour répondre à cette question pourrait être la suivante ; nous venons d’évoquer le fait qu’il existe d’autres « socles » possibles à partir desquels bâtir les mathématiques, peut-être que Euclide — à qui l’on doit les axiomes des mathématiques classiques — s’est inspiré du monde qui l’entourait pour proposer ses axiomes. C’est peut-être parce que ces axiomes sont logiques vis-à-vis du monde qui nous entoure que le monde mathématique qui en découle est si proche de notre réalité. Et pourtant, depuis on sait qu’un rayon lumineux peut se déplacer de manière courbe dans l’espace-temps — En contradiction avec le cinquième axiome d’Euclide —. On pourrait donc admettre un autre « socle » qui dirait que par deux points dans l’espace peuvent passer une infinité de droites parallèles entre elles — ce qui ne parait pas naturel —. Et pourtant c’est ce à quoi avaient pensé Gauss et d’autres mathématiciens après lui.

Rigueur et perfection

Une autre chose assez fascinante lorsque l’on pense aux mathématiques, c’est leur pureté, leur perfection. Lorsque l’on regarde l’évolution de la physique / chimie, nous voyons que nous avons un univers (notre monde réel) et nous cherchons à en comprendre les mécanismes, à en découvrir les briques élémentaires, … En mathématiques c’est l’inverse, nous disposons des briques élémentaires — nos axiomes — et nous cherchons à bâtir ou découvrir l’univers qu’ils peuvent engendrer. Et pour cela nous nous aidons de raisonnements logiques, d’axiomes, … Ceci est censé ne laisser place à aucune incohérence ni aucune contradiction. C’est pourquoi cette discipline dégage ce sentiment de sureté, de solidité — Il n’en a pas toujours été ainsi. Notamment à l’époque où Godël a livré son célèbre théorème d’incomplétude —.

Pour conclure

Finalement ce que l’on appelle les mathématiques, c’est l’art d’évoluer dans ces univers abstraits, de visualiser et de comprendre les œuvres laissées par d’illustres mathématiciens avant nous, et de bâtir de nouveaux édifices avec les outils qu’ils nous ont légués.